Syndrome de Garcin associé à un cancer de poumon
Un cas de paralysie unilatérale des nerfs crâniens par envahissement des métastases

Syndrome de Garcin associé à un cancer de poumon

Case Report
Issue
2017/07
DOI:
https://doi.org/10.4414/sanp.2017.00527
Swiss Arch Neurol Psychiatr Psychother. 2017;168(07):209-211

Affiliations
Department of radiation therapy, South Lyon Hospital, Lyon 69495, France

Published on 31.10.2017

Introduction

Le Syndrome de Garcin est une entité très rare, définit comme étant l’atteinte unilatérale, successive et progressive des nerfs crâniens. Rarement complète, l’atteinte est souvent partielle avec une évolution extensive [1]. La cause est principalement néoplasique, le plus souvent par contiguïté d’un cancer de la sphère ORL ou de métastases de la base du crâne [2]. Nous ­rapportons le cas exceptionnel d’un patient dont le syndrome de Garcin a été diagnostiqué précocement devant la paralysie faciale périphérique, et qui était en rapport avec des métastases cérébrales d’un cancer du poumon.

Observation

Un Homme âgé de 69 ans, ayant comme principaux ­antécédents un mélanome intra-thoracique opéré il y a 10 ans, un adénocarcinome de la prostate traité en 2004 actuellement en rémission complète et un diabète non insulino-dépendant sous anti-diabétique oral. Il consultait initialement pour une toux chronique associée à une dyspnée stade II, évoluant dans un contexte d’altération de l’état général et d’amai­grissement estimé à 7 kg en 2 mois. Le bilan réalisé ­objectiva et confirma la présence d’un carcinome bronchique non à petites cellules au niveau lobaire ­supérieur droit, stade IIIB, sans autre localisation métastatique à distance. Le patient a eu une radiothérapie en modulation d’intensité (IMRT) à la dose de 70 Gy en 35 fractions, associée à une chimiothérapie concomitante à base de Navelbine-Cisplatine.
Au cours de la surveillance et 5 mois après la fin de son traitement (radio-chimiothérapie concomitante), le patient a présenté une paralysie faciale périphérique gauche (figure 1). L’examen neurologique retrouvait également une baisse de l’acuité auditive gauche et des troubles vestibulaires périphériques minimes, sans atteinte des autres paires crâniens. Le scanner thoracique ne montrait pas de récidive locale. L’ima­gerie par résonance magnétique cérébrale (IRM) a montré la présence de 4 lésions cérébrales d’allure ­métastatique, dont la plus importante est au niveau ­cérébelleux droit, en regard du sinus veineux occipital, mesurant 13 × 9 mm et responsable d’un œdème péri lésionnel (figure 2). La ponction lombaire a montré la présence de cellules isolées tumorales en faveur d’une méningite carcinomateuse. Au total il s’agissait d’un syndrome de Garcin partiel secondaire à l’envahissement tumoral cérébral d’un adénocarcinome bron­chique métastatique au cerveau. Le patient a été mis sous corticothérapie et a eu une radiothérapie sur l’encéphale total (IET) prenant la base du crâne à la dose de 30 Gy en 10 fractions. Un complément a été délivré dans un deuxième temps en technique d’IMRT par système Rapidarc sur les 4 lésions cérébrales à la dose de 9 Gy (figure 3). L’évolution immédiate, après 4 mois de la ­radiothérapie a été marquée par l’amélioration partielle des symptômes cliniques, notamment une régression de la paralysie facile gauche pour laquelle il a été sous rééducation.
Figure 1: IRM de l’encéphale en coupe axiale, T2 FLAIR, ­montrant la prise de contraste cérébelleuse droite en regard du sinus veineux occipital et mesure 13 × 9 mm avec œdème péri lésionnel en hypersignal (flèche noire).
Figure 2: Radiothérapie pan encéphalique confomationnelle avec des photons d’énergie 6 Mev, à la dose de 30 Gy, incluant la base du crâne (jusqu’au C2).
Figure 3: Radiothérapie en Boost sur lésions métastatiques cérébrales en modulation d’intensité par système Rapidarc, à la dose de 9 Gy.

Discussion

Décrit pour la première fois en 1926 par Garcin, comme étant une atteinte progressive, unilatérale et complète de l’ensemble des nerfs crâniens, mais sans troubles des voies sensitives ou motrices longues, ni signe ­d’hypertension intracrânienne ou anomalie radio­logique [1–3]. Appelé également syndrome de l’hémi-base, l’atteinte complète est très rare, le plus ­souvent partielle du fait de la précocité de la réalisation de l’imagerie cérébrale, plus particulièrement l’IRM [4–5]. L’élément caractéristique important du syndrome de Garcin est le caractère extensif de ­l’atteinte, d’où l’intérêt d’un examen neurologique complet et minutieux des paires crâniennes.
Notre ­patient avait une atteinte partielle représentait par une paralysie faciale périphérique gauche. L’origine néoplasique est souvent en cause mais peut être aussi d’origine paranéoplasique [8]. Sur le plan physiopathologique, il s’agit d’une extension par contiguïté d’un carcinome de la sphère ORL, nasopharyngé le plus ­souvent, ou de métastases osseuses ou méningées de la base du crâne de tumeurs du sein, poumon, foie, ­utérus ou hématologique [4–7–8]. Dans certains cas, le mécanisme peut être double, secondaire à une ­compression et une dissémination tumorale lepto­méningée [7–8]. Ce qui concorde avec le cas de notre ­patient qui présentait un syndrome de Garcin d’origine néoplasique dû à l’atteinte des nerfs crâniens et surtout les Nerfs VII-VIII par des métastases cérébrales et la méningite carcinomateuse.
L’imagerie par résonance magnétique cérébrale (IRM) reste l’examen de choix à la rechercher d’une évolution métastatique cérébrale responsable de l’atteinte des nerfs crâniens [6]. La recherche de cellules tumorales dans le LCR peut être contributive au diagnostic en confirmant une méningite carcinomateuse [9]. Conformément aux données de la littérature, le pronostic reste généralement défavorable et la radiothérapie ­palliative cérébrale avec les techniques récentes de modulation d’intensité constitue le traitement local principal permettant dans la plupart des cas, une amélioration partielle et/ou total de la symptomatologie [10]. La chirurgie peut constituer une alternative thérapeutique si lésion unique accessible et sans complications post-opératoires importantes, en l’absence de dissémination leptoméningée. Le traitement systémique repose sur l’injection intraventriculaire ou intrathécale de Méthotrexate ou de Cytarabine avec une surveillance rigoureuse jusqu’à progression [11]. Chez notre patient, vue la multiplicité des lésions cérébrales et la méningite carcinomateuse, on a opté pour une ­radiothérapie cérébrale palliative avec des injections lombaires intrathécales de Méthotrexate, ce qui a permis l’amélioration partielle des symptômes à court terme.

Conclusion

Le syndrome de Garcin reste relativement très rare dont le diagnostic devrait être évoqué devant la para­lysie unilatérale progressive d’un ou plusieurs nerfs crâniens. Le traitement est souvent complexe, imposant un diagnostic précoce pour une meilleure prise en charge qui impose une radiothérapie cérébrale ­palliative et/ou une chirurgie en cas de lésion unique accessible et surtout un traitement systémique par chimiothérapie intrathécale. Le pronostic reste souvent défavorable.
No financial support and no other potential conflict of interest ­relevant to this article was reported.
Correspondence:
Zakaria Ahmed Youbi, MD
Department of radiation therapy, South Lyon Hospital
165, Chemin du Grand
Revoyet
69495, Pierre Benite
FR-69310 Lyon, France
zakaria.youbi[at]gmail.com
 1 Garcin R. Le syndrome paralytique unilatéral global des nerfs ­crâniens: Contribution à l’étude des tumeurs de la base du crâne. Paris: A. Legrand; 1927.
 2 Rohmer F, Collard M, Strubel-Streicher D, Chabrierg G. ­Garcin’s syndrome and its limits. 11 cases. Rev Oto neuro ­ophtalmol. 1979;51(5):455–60.
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11 Glantz MJ, Batchelor T, Wong E, Cavalli F, Chamberlain MC, Fisher R, Shapiro WR. Interaction between route of intra- CSF chemotherapy administration and efficacy of therapy in patients with neoplastic meningitis. Poster presented at the American Society of Clinical Oncology; 2006.