Réflexion sur la mort
First Person Account

Réflexion sur la mort

First Person Account
Issue
2023/05
DOI:
https://doi.org/10.4414/sanp.2023.1269898032
Swiss Arch Neurol Psychiatr Psychother. 2023;174(05):136

Published on 18.10.2023

La Mort a repris 2 de mes 4 fils, beaucoup trop tôt.
On dit qu’il n’y a pas pire douleur pour une maman que de perdre un enfant…
Je confirme.
Mon second fils est mort des suites d’une noyade.
Il a été réanimé, mais un peu trop tard. Au bout de cinq jours de coma et de nombreux tests, il a été déclaré en état de mort cérébrale.
Comment accepter l’inacceptable, réaliser l’impensable?
Dans cet état de sidération, il a été pour moi impossible de comprendre cette «mort cérébrale».
Avec ma tête oui, j’avais à peu près compris: «le cerveau n’étant plus irrigué, il ne peut donc plus assurer le fonctionnement des organes... blablabla...»
Mon cœur, lui, n’a rien compris…
«Mon fils est mort, mais son cœur bat!»
Comment dire au revoir à mon enfant tout chaud, qui semble dormir si paisiblement?
Il m’a fallu beaucoup de temps et de réexplications pour m’assurer que nous ne l’avions pas condamné trop hâtivement.
Aujourd’hui son cœur continue de battre, car il en a fait don à quelqu’un qui en avait besoin.
Mon premier fils, ironie du sort, est aussi mort de noyade, trois ans auparavant.
Il n’a pas pu être sauvé, car retrouvé trop tard.
Après plusieurs hospitalisations en psychiatrie ainsi que deux tentatives de suicide par veinosection, il a été diagnostiqué souffrant de troubles schizo-affectifs.
J’ai rarement vu quelqu’un vivre dans de telles souffrances psychiques. Cela déchirait mon cœur de maman impuissante.
A son décès, de nombreuses personnes (pas forcément mal intentionnées) ainsi que son assurance maladie ont décidé qu’il s’était suicidé.
Comme ça!!!
Forcément... Un garçon déséquilibré… qui a déjà attenté à ses jours… Facile!
Ces raccourcis dénués de tact se sont ajoutés à notre douleur…
Et j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de définition pour ces morts-là.
On peut mourir de vieillesse avec un corps trop usé, d’accidents divers, de nombreuses maladies, on peut mourir assassiné ou suicidé…
Mais qu’en est-il pour un être humain qui, soit n’a pas eu la force de nager, écrasé par de fortes doses de neuroleptiques, soit qui a relevé un défi lancé par «des voix dans sa tête» et qui en est mort? Comme plein d’autres avant lui.
Alors, j’ai décidé qu’il était mort «d’accident de la maladie»! Et cela m’a permis de trouver un peu de paix.
Mon cœur de maman est en miettes. Mais mon âme est au combat, animée par cette incroyable force de Vie.
Je pense à tous les parents qui pourraient se retrouver dans ce texte.
Je pense à mes fils disparus et à leurs 2 frères:
«Merci, mes garçons, de m’avoir permis d’être votre maman. Vous m’avez tant appris et apporté depuis votre naissance. Je suis fière de vous.
Je vous aime du plus profond de mon âme jusqu’à la moindre de mes cellules, pour l’éternité.»
Nathalie, une maman amputée
© Jolin I Dreamstime.com