A propos d’art, de psychiatrie et de neurosciences
Eclairage sur la créativité
Peer-review

A propos d’art, de psychiatrie et de neurosciences

Review Article
Issue
2024/01
DOI:
https://doi.org/10.4414/sanp.2023.1224543570
Swiss Arch Neurol Psychiatr Psychother. 2024;175(01):6-11

Affiliations
Faculté de Médecine, Université de Bâle

Published on 14.12.2023

Abstract

We explore the nature of creativity and its relationship with our inner vision of the world. Advances in our understanding of the neural mechanisms of creativity and the function of the visual brain are reviewed. After a reminder of the classical Greek aesthetics, the modern artistic movements, in particular the art brut and its creator Jean Dubuffet are presented. Aloïse Corbaz is undoubtedly one of the greatest painters of the art brut and her work shines in Switzerland and in the world. However, it is an unusual destiny that defines her since it is in a psychiatric environment, where she lived for 46 years that her pictorial production will begin. The intuition of a link between creativity and mental disorders is old, what is new now is the contribution of neuroscience. There seems to be a common vulnerability to mental disorders and creativity. Genetic studies confirm this link between madness and creativity, demonstrating the direct influences of genetic factors on creativity as opposed to the sharing of an environment. However, the development of creativity involves many other determinants. While creativity can sometimes be linked to mental disorders and thus due to psychopathological family factors, this is neither a prerequisite nor a necessary condition for the development of creativity.
Keywords: Cerveau visuel; créativité; maladie mentale; art brut; Aloïse Corbaz

Introduction

Nous explorons les ressorts de la créativité et ses rapports avec notre vision intérieure du monde. Notre culture est constituée de représentations mentales issues de nos propres expériences vécues au sein de l’environnement familial et sociétal. Les neurosciences fournissent un cadre pour essayer de comprendre les états mentaux propices à la création ou à la contemplation d’œuvres d’art, mais ne peuvent pas saisir l’ampleur des états réflexifs et émotionnels associés aux expériences esthétiques [1].
Une œuvre artistique peut être considérée comme un reflet de l’esprit conscient et inconscient de l’artiste. Chaque peinture équivaut à une démonstration d’un état d’esprit. Les images intérieures que l’artiste véhicule dans la peinture deviennent une réalité physique. L’art est aussi une méthode de communication, même si elle reste souvent opaque, établissant un langage métaphorique fortement dépendant du contexte et culturellement entaché. L’œuvre d’art n’est pas seulement le médiateur d’une communication esthétique, mais aussi une représentation mentale. Les peintures ont été utilisées pour leur capacité à susciter des sentiments, des émotions, selon l’observation bien connue que les représentations ou les objets que l’on voit ont plus de pouvoir que les mots.
La nuit étoilée est une des œuvres d’art les plus célèbres de Van Gogh (fig. 1). Van Gogh s’est volontairement inscrit à l’asile psychiatrique de Saint-Rémy-de-Provence en 1889, quelques mois après le tristement célèbre épisode au cours duquel il s’est mutilé l’oreille gauche. Cette peinture est basée sur la vue de sa fenêtre à l’asile. L’idée de turbulence s’exprime de manière poignante dans cette œuvre et on imagine facilement que ce paysage, d’une nature presque hallucinante, reflète bien l’état agité dans lequel le peintre se trouvait.
Painting titled 'The Starry Night' by Vincent van Gogh
Figure 1: Vincent van Gogh. La nuit étoilée (1889). Peinture à l’huile.
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Parmi les mouvements artistiques, nous discutons ce que les psychiatres appelaient l’art psychopathologique et qui deviendra selon la proposition du peintre français Jean Dubuffet l’art brut, aussi appelé «outsider art» par les Anglo-saxons. Une des figures principales de l’art brut est la lausannoise Aloïse Corbaz.
Le lien entre créativité et troubles mentaux est ancien; ce qui est nouveau à présent est l’apport des neurosciences qui permet de l’analyser à travers le prisme de la génétique. Mais il ne faut pas oublier l’élément subjectif, c’est-à-dire la façon dont les expériences personnelles vécues sont exprimées et reflétées dans les productions des artistes, l’expérience subjective restant encore d’accès difficile pour les neurosciences.

Les cartes cognitives

Le cortex cérébral, appelé aussi substance grise, recouvre les deux hémisphères du cerveau. Le cortex constitue un patchwork de cartes cognitives qui représente 75% du volume cérébral. A l’échelle macroscopique, notre cerveau est organisé en modules spécialisés, en fait des microprocesseurs en charge du traitement de l’information [2]. Le cortex crée nos représentations du monde physique, initie nos comportements. Il tient un rôle indispensable d’une part dans les fonctions nerveuses de base (motricité, sensibilité, sensorialité, goût, olfaction, audition, vision) et d’autre part dans les fonctions supérieures comme le langage et la mémoire. Le cortex occipital contient l’aire visuelle, qui reçoit et analyse les informations venant de l’œil. Ce qui rend une région visuelle et une autre auditive est ce à quoi elle est connectée, c’est-à-dire à quels organes sensoriels elle est raccordée en périphérie.
Si l’on compare l’énergie nécessaire pour générer un événement synaptique entre un superordinateur et le cerveau humain, nous prenons conscience de l’incroyable contraste entre l’artificiel et la situation humaine. On estime qu’un événement synaptique dans un grand ordinateur consomme l’énergie de quelques micro-joules, alors que dans un ordinateur neuromorphique, il se résume à quelques pico-joules. Cela doit être mis en perspective avec le cerveau humain qui a besoin de seulement quelques femto-joules par événement synaptique [3]. Il est évident que les neurones et les synapses du cerveau ont beaucoup plus de richesses biophysiques et biochimiques que ce qu’il est aujourd’hui possible d’intégrer dans un microprocesseur. Notre cerveau montre une immense complexité et par rapport aux ordinateurs une parcimonie stupéfiante dans son fonctionnement.
Le défi des neurosciences actuelles est qu’elles livrent beaucoup de données, mais pas de théorie unifiante. Nous sommes loin de comprendre le grand dessin à la base de la capacité opérationnelle de notre cerveau et la nature de la mémoire et de la conscience. Certaines activités humaines sont algorithmiques, celles où nous suivons une procédure. D’autres le sont moins, comme l’imagination ou la créativité. Une difficulté supplémentaire est le défi de combiner une analyse individuelle de neurones à une analyse à grande échelle de réseaux neuronaux.

Connectomique et créativité

Chaque neurone du cerveau se connecte à des milliers d’autres neurones. La coordination de myriades de fonctions et de comportements nécessite que les neurones agissent en coopération et non comme des entités isolées. Pour cela, les neurones communiquent en permanence avec des cellules nerveuses voisines, envoient ou reçoivent des signaux vers et depuis des zones distantes du cerveau [4]. En neurosciences, on désigne l’étude de la connectivité fonctionnelle et structurelle entre toutes les aires corticales et les structures sous-corticales par le terme de connectomique.
On considère que les fonctions mentales sont une propriété émergente de l’interaction entre différentes aires cérébrales. Ainsi, une activité cérébrale spécifique à une fonction implique l’effort d’intégration de plusieurs régions du cerveau. Ces interconnexions et leurs circuits associés créent des réseaux enchaînant de nombreuses régions cérébrales, permettant une synchronisation neuronale optimale. Par exemple, le développement des différentes zones consacrées à l’analyse et la production du son chez l’homme a permis l’émergence du langage [5]. L’intégration de différentes zones cérébrales dévoile des propriétés et des capacités qu’il était impossible de prévoir à partir de leurs composants [6].
Des techniques neuroscientifiques innovantes permettent maintenant de stimuler spécifiquement certains groupes de neurones chez les animaux et de mesurer de manière non invasive comment ils activent d’autres parties du cerveau, qu’elles soient proches ou éloignées [7]. L’imagerie cérébrale révèle des projections anatomiques et des modèles de connectivité fonctionnelle, offrant la possibilité de voir leur activation en temps réel.
L’imagerie fonctionnelle cérébrale permet nouvellement de dévoiler la variabilité interindividuelle de connectivité. Il est ainsi possible de comprendre l’origine de notre identité cognitive, en déchiffrant comment les connexions entre différentes régions du cerveau sont organisées au niveau individuel. Ces mesures de connectivité fonctionnelle peuvent démontrer les différences individuelles dans l’activation du cerveau pendant l’accomplissement de certaines tâches, permettant de visualiser des schémas de connectivité fonctionnelle du cerveau qui sont en corrélation avec le comportement ou la cognition d’un sujet [8]. Ces empreintes digitales de connectivité sont spécifiques à chaque individu et sont corrélées avec ses facultés intellectuelles [9] et ses capacités créatives [10]. Par exemple, un faisceau arqué gauche plus développé facilite les capacités linguistiques [11]. Ces différences affectent les performances cérébrales physiologiques, mais elles se reflètent aussi dans des situations pathologiques, comme les troubles psychiatriques et les symptômes neurologiques [12]. Ainsi, les lésions du faisceau arqué sont associées à des hallucinations auditives dans la schizophrénie, à la sévérité de l’aphasie dans les accidents vasculaires cérébraux et à des déficits de répétition chez les patients atteints d’aphasie progressive.
La créativité est la clé de notre capacité à faire face aux changements, à innover et à trouver de nouvelles solutions pour relever les défis sociétaux. Comprendre la construction complexe et multidimensionnelle de la créativité est donc fondamental pour soutenir le progrès sociétal et culturel. La capacité créative est marquée et modulée par les différences individuelles dans les fonctions cognitives. Mais le processus créatif ne saurait se concevoir sans tenir compte de la personnalité d’un sujet, son vécu et son milieu [13]. Les mécanismes cognitifs sous-jacents aux capacités créatives sont loin d’être compris, mais les analyses de la cognition créative mettent constamment en évidence le rôle de processus associatifs spécifiques et la nécessité de découvrir des liens significatifs entre des concepts non liés.

Traitement des informations visuelles par le cerveau

Nous sommes des êtres profondément visuels et notre capacité à voir, interpréter et percevoir notre environnement est essentielle pour notre interaction avec le monde extérieur. L’essentiel est d’avoir une vision cohérente de notre environnement. Pour caractériser des objets, reconnaître des personnes ou des paysages ou analyser des œuvres d’art, nous devons capter une caractéristique constante et durable de la forme, de la couleur ou de la texture des objets qui nous entourent. En réalité, les objets sont observés sous différents angles, distances et conditions d’éclairage, et sont souvent en mouvement. L’acquisition d’informations visuelles par le cerveau est un processus complexe conduisant à ce que l’on appelle nos représentations mentales, c’est-à-dire notre réalité interne. La vision est un processus actif, voir est un processus créatif, impliquant non seulement le cerveau visuel, mais de nombreuses autres zones cérébrales avec lesquelles le système visuel est connecté [14, 15].
Les informations circulent de la rétine vers le cortex visuel primaire, d’où elles sont ensuite envoyées vers les zones visuelles supérieures. La transmission de l’information visuelle suit un parcours bien spécifique que de nombreuses études ont permis d’analyser [16]. Il existe une voie dite «où», qui se propage dorsalement au lobe pariétal. Elle traite la disposition spatiale des objets, tels que l’emplacement, la distance, la position relative et le mouvement. Elle est responsable de l’information visuelle pour l’action. La voie ventrale dite «quoi» permet de reconnaître la forme, la taille, la couleur des objets et surtout aussi d’identifier les visages et lire les textes. L’information visuelle dans le flux ventral se termine dans le lobe temporal médial, l’hippocampe et l’amygdale et est utilisée pour la reconnaissance visuelle des objets et des personnes qui nous entourent, y compris son contenu émotionnel.
Ces deux voies principales ne fonctionnent pas indépendamment, mais doivent être considérées comme un système intermodal. L’intégration entre ces deux réseaux est nécessaire pour une expérience visuelle pleinement consciente. En réalité, il existe un véritable patchwork de zones visuelles, composé d’un conglomérat d’environ quarante zones visuelles. Selon la tâche à accomplir, différents systèmes effecteurs peuvent tirer des informations des nombreuses zones visuelles.
Lorsque nous voyons un mot, par exemple, le cortex visuel est activé. Si cette information reste seulement dans le cortex visuel primaire, elle restera inconsciente. Pour devenir consciente, l’information doit être amplifiée et diffusée dans les zones pariéto-frontales. Pour qu’un mot que nous voyons pendant quelques secondes soit conservé dans notre esprit et consciemment rapporté, l’information doit atteindre les nombreuses aires corticales impliquées dans le langage, la dénomination et la compréhension des percepts et des concepts [17].

La reconnaissance des visages

Le cerveau attribue plus d’espace cortical à la reconnaissance faciale qu’à la reconnaissance de tout autre objet visuel. Les visages sont de loin la catégorie la plus importante d’entités physiques que notre vue peut percevoir; c’est ainsi que nous reconnaissons les autres et que nous nous représentons nous-mêmes. On peut reconnaître le dessin d’un visage à partir d’une esquisse minimale composée de quelques lignes pour les yeux, le nez et la bouche. Le Visage de la paix de Pablo Picasso est un exemple magnifique (fig. 2). Son génie ici est clair: avec une seule ligne bien pensée, il apporte tellement à ce dessin. Cette disposition universelle est susceptible de variations infinies, chaque visage étant distinctif et unique. Les mécanismes de perception des visages engagent la voie «quoi», c’est-à-dire le système impliqué dans l’identification visuelle des objets. Les visages sont parmi les stimuli les plus informatifs que nous percevons. Même un regard d’une fraction de seconde sur le visage d’une personne suffit pour reconnaître quelqu’un.
Figure 2: Pablo Picasso. Le visage de la paix (1950). Dessin.
Succession Picasso, Prolitteris, Zürich.
Les recherches psychologiques actuelles démontrent que les visages humains représentent des perceptions globales, c’est-à-dire des éléments perçus comme un tout. Le traitement des visages est dit holistique, c’est-à-dire que les visages sont représentés comme un motif unifié plutôt que comme un assemblage de pièces séparées [18]. Il y a peu de déconstruction et de reconstruction d’objets. Cela explique pourquoi il est si difficile de reconnaître les visages lorsqu’ils sont à l’envers. Notre cerveau est réglé pour reconnaître les visages lorsqu’ils sont en position verticale et fonctionne mal lorsqu’ils sont inversés.
Les personnes présentant une prosopagnosie ont une difficulté ou une incapacité à reconnaître des visages, le sien comme celui d’autrui [19]. Elles ne peuvent se reconnaître sur une photo ou dans un miroir ni identifier la personne familière en face d’elles ou dans un magazine. Ce trouble de la reconnaissance des visages peut être présent dès la naissance (prosopagnosie développementale) ou apparaître à la suite d’une lésion cérébrale. Dans le premier cas, les sujets ne s’aperçoivent parfois pas qu’ils sont dépourvus de cette faculté et peuvent passer pour étourdis ou hautains. Cette difficulté à reconnaître les visages est souvent ressentie comme une grande gêne par les personnes qui sont atteintes de ce trouble. Cette particularité n’est pas si rare, atteignant 2,5% de la population.

Vision intérieure: imagination et imagerie mentale

Notre perception du monde extérieur est produite par un jeu d’informations externes et internes. Prenons l’exemple d’une image d’un personnage à première vue floue et qu’on ne reconnaît pas. La juxtaposition avec une autre image plus détaillée nous permet alors de reconnaître le personnage sur la première image. Déjà au XIXe siècle, Helmholtz, le physiologiste allemand qui s’est beaucoup intéressé à l’étude de la vision, a exposé la théorie de l’inférence inconsciente, c’est-à-dire l’intervention de l’expérience passée dans la perception, ou comme il l’a formulé: il faut une activité intellectuelle particulière pour passer d’une sensation nerveuse à la conception d’un objet extérieur [20]. D’un point de vue fonctionnel, une information purement ascendante (bottom up) ne permet pas de reconnaître un objet. Dans la mentalisation du processus visuel, il y a toujours une information descendante modulée par le contexte, l’expérience et les attentes de l’observateur. Le rôle de ces influences descendantes (top down) dans le traitement sensoriel et dans la régulation de nos états mentaux fait l’objet actuellement d’un grand intérêt en neurosciences et en psychiatrie [21]. Des études portant sur les mécanismes sous-jacents aux hallucinations chez les patients atteints de schizophrénie suggèrent qu’un déséquilibre entre les influences descendantes et le traitement ascendant sous-tend ces erreurs de perception [22].
On admet que l’imagination est une figure de l’imagerie mentale. On peut dire qu’il est légitime de considérer comme imaginatifs différents aspects de ce que l’on appelle imagination sensorielle ou imagination perceptuelle [23]. L’imagerie mentale est l’acte de se représenter mentalement des états sensoriels, cela aussi bien dans une dimension visuelle, auditive, olfactive, gustative ou encore proprioceptive. L’imagerie d’événements émotionnels peut activer le système nerveux autonome de la même manière que la perception du monde extérieur, entraînant tout un registre d’émotions responsable de manifestations somatiques les plus diverses [24].
Sur le plan cérébral, l’imagination utilise les mêmes systèmes neuronaux que la perception. L’imagerie mentale visuelle est une forme faible de perception descendante (top down) qui peut, dans certains cas, compléter ou remplacer la perception ascendante [25]. L’imagerie mentale conditionne notre cerveau, le rendant plus susceptible d’agir. Notre capacité à imaginer le monde qui nous entoure en l’absence de stimulation extérieure est remarquable. Mais peut-être plus remarquable encore est notre capacité à faire l’expérience d’objets ou d’événements qui n’existent pas dans le monde, à travers notre imagination [26]. C’est peut-être l’une de nos capacités fondamentales qui nous permet de planifier, d’exécuter avec succès des projets, de réanalyser le passé ou de fantasmer des événements qui ne se produiront peut-être jamais.
L’imagerie mentale est un support de représentations permettant la symbolisation, la combinaison d’éléments, facilitant éventuellement l’émergence d’idées nouvelles, de comportements ou d’activités qui n’impliquent pas nécessairement des images visuelles. Les rêveries sont des formes d’imagination qui impliquent des pensées spontanées sans rapport avec le contexte extérieur. Elles représentent aussi une conduite pertinente au processus créatif. L’utilisation de l’imagerie mentale a été liée à la genèse d’idées, de découvertes, de productions artistiques ou scientifiques dans toute une gamme de disciplines. Des personnalités diverses dans les domaines des sciences, de la philosophie, des arts, de la littérature et de la musique ont déclaré utiliser l’imagerie mentale dans le processus créatif [27].

De l’idéal grec à l’art moderne

Les idéaux de beauté ont été modifiés au fil du temps, en fonction de l’évolution des normes culturelles et esthétiques. Historiquement, les arts visuels ont montré un large éventail de différents modèles de beauté. Concernant l’attractivité physique, les jeunes hommes et femmes aux silhouettes bien proportionnées et aux traits réguliers ont été jugés les plus beaux. Les penseurs des Lumières ont repris la croyance de Platon selon laquelle la vérité et la beauté sont liées, et que largement diffusées, elles conduiront tôt ou tard à la bonté [28].
Les anciens Grecs croyaient en l’idéal d’une alliance entre le beau et le bien. Aisthesis a le sens de perception de tous les sens: sentir, entendre, voir et leur impact sur le corps. Pour les Grecs, la beauté externe était associée à une beauté intérieure, c’est-à-dire à la morale et à la vertu, ce qui signifiait qu’un beau visage était l’expression visible d’une belle âme. L’art grec ancien exprime cet idéal de perfection somatique et de beauté mentale, connu sous le nom de kalos kagathos. Alors qu’au cours de l’histoire la beauté a souvent été associée au genre féminin, elle est davantage symbolisée par le corps masculin dans la Grèce antique. Muscles saillants et membres athlétiques, le sport est un culte, synonyme de santé et d’esthétique. Les anciens Grecs appréciaient la beauté masculine, jeune et athlétique, dont les représentations ont survécu dans les sculptures d’Apollon (fig. 3).
Figure 3: Apollon du Belvédère . Copie en marbre d’après un original grec en bronze vers 330 av. J-C.
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Depuis les XXe et XXIe siècles, on assiste à un rejet croissant de la beauté classique par les philosophes et les artistes, culminant dans une mouvance antiesthétique [29]. Gustav Klimt a été l’un des membres fondateurs du mouvement sécessionniste viennois en 1897. Ce mouvement a lancé l’art moderne, mettant l’accent sur le contexte sociohistorique à partir duquel l’art a émergé et a généré une inspiration esthétique entièrement nouvelle. Selon ses membres, l’art devait être global, ce qui a conduit à cette formulation: «à chaque époque son art, à l’art sa liberté». Les mouvements post-modernes, qui ont commencé après la Seconde Guerre mondiale, tels que l’art brut, le pop art et l’art vidéo, ont émergé en réaction contre les formes d’art établies exposées dans les musées. A cet égard, le mouvement appelé art brut, conçu par Jean Dubuffet en 1945, est un exemple d’une forme d’art se manifestant en dehors de la scène artistique établie [30]. Il s’intéressait à l’art créé par les malades mentaux, mais aussi par des artistes vivant en marge de la société et sans formation artistique formelle. Il existe des similitudes entre les œuvres des malades mentaux et l’art moderne et des comparaisons avec des œuvres de Chagall, Matisse et Picasso peuvent être faites, mais souvent le caractère naïf de ces artistes rappelle l’art primitif trouvé dans les artefacts des tribus d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud. On peut mentionner le mouvement surréaliste qui propose l’exploitation du monde onirique. Délirer ne consiste pas pour les surréalistes à se perdre, c’est explorer d’autres perceptions du monde et peut-être toucher à une réalité supérieure. Nous trouvons ici les prémices de l’anti-psychiatrie qui se développera durant les années septante, en proposant la thèse selon laquelle le délire schizophrénique ouvre l’accès à une nouvelle vérité, perdant de vue qu’il s’agit en fait d’un symptôme d’une maladie [31]. Selon Henri Ey, toute psychose, toute névrose est essentiellement une somatose qui altère l’activité d’intégration personnelle. Les maladies mentales sont à cet égard des pathologies de la liberté [32].

Art brut

Lorsque Dubuffet propose en 1945 le terme art brut pour l’art créé par des personnes vivant dans des institutions telles que les hôpitaux psychiatriques et les prisons, il a certainement été influencé par le psychiatre allemand Hans Prinzhorn. Prinzhorn a travaillé à l’hôpital psychiatrique de l’Université de Heidelberg et a été également historien de l’art. Il a consacré une grande partie de ses efforts à élargir une collection d’art antérieure créée par des malades mentaux et commencée par Emil Kraepelin. Le livre de Prinzhorn, «Bildnerei der Geisteskranken» (1922) [33] était richement illustré et s’intéressait aux frontières entre la psychiatrie et l’art. Il représente l’une des premières tentatives d’analyse du travail des malades mentaux d’un point de vue psychopathologique. Il n’attira pas beaucoup l’attention en dehors de la communauté psychiatrique lors de sa publication, jusqu’à ce que Jean Dubuffet découvre l’ouvrage de Prinzhorn.
Rappelons que le terme d’art psychopathologique [34] sera utilisé couramment dans les années cinquante et soixante. Cependant son sens n’est pas évident et très diversement compris. Il renvoie pour les psychiatres du milieu du XXe siècle à l’existence supposée de signes pathologiques dans les productions des malades. Il désigne pour d’autres une catégorie particulière d’œuvres définies par leur provenance.

Aloïse Corbaz

Aloïse Corbaz est sans nul doute l’une des plus grandes artistes peintres de l’art brut et son œuvre rayonne en Suisse et dans le monde. Un catalogue raisonné de son œuvre est consultable en ligne [35]. C’est un destin hors norme qui la définit puisque c’est en milieu psychiatrique, où elle vécut 46 années que sa production picturale va débuter. Née à Lausanne en 1886 dans un milieu simple, elle poursuit ses études jusqu’au certificat secondaire. Douée d’une belle voix, elle rêve de devenir cantatrice, une ambition qu’elle ne réalisera pas. Elle travaillera comme gouvernante, mais son agitation et ses sentiments d’infériorité ne lui permettent pas de garder longtemps un poste. Sa famille l’envoie en Allemagne pour mettre un terme à sa passion amoureuse pour un prêtre défroqué. A Potsdam, au château de Sans-Souci, elle va s’occuper des enfants du chapelain de l’empereur Guillaume II. Douée d’une mémoire photographique, elle gardera de cette expérience exceptionnelle des images et des impressions qui reprendront vie et forme dans son œuvre picturale. Fantasque, elle vit une passion secrète pour l’empereur. Moins attentive à ses tâches, elle rentre en Suisse. Son état de santé est précaire, sa famille la trouve exaltée ou renfermée. Son état mental se dégrade, elle se néglige de plus en plus, devient agitée. A la demande de sa famille, elle est hospitalisée à la clinique psychiatrique de Cery en 1918, où l’on pose le diagnostic de schizophrénie. Elle a alors 32 ans.
Elle reste deux ans à Cery. Son agressivité diminuant, elle est transférée à l’asile de la Rosière près de Gimel. Aloïse va progressivement s’intégrer à la routine de l’hôpital et elle commence une activité de repassage du linge de l’asile. C’est en cachette qu’elle commence à dessiner, utilisant d’abord du papier d’emballage avant qu’on lui fournisse du matériel de dessin. Ses premiers dessins au crayon noir, assez statiques et rigides, traduisent déjà une grande qualité calligraphique (fig. 4).
Figure 4: Aloïse Corbaz. Lulu Mater dolorosa (1917-1924). Dessin au crayon noir sur papier.
© Association Aloïse. Photo: Olivier Laffely, Atelier de numérisation – Ville de Lausanne. Collection de l’Art Brut, Lausanne. no inv. cab-4306.
Aloïse eut la chance que des médecins qui, sans abandonner l’étude scientifique de son cas, se sont intéressés à son œuvre, vont activement l’aider dans sa production picturale. Parmi ceux-ci, le professeur Hans Steck, qui deviendra médecin directeur de Cery, est frappé par le caractère original de son œuvre. La direction médicale va dès lors demander que ses dessins soient protégés et systématiquement conservés. Si, au départ, les dessins d’Aloïse n’intéressent que les psychiatres qui les montrent dans des congrès médicaux, sa production toujours plus abondante va gagner en éclat, les couleurs deviennent très vives (fig. 5), le format s’agrandit, le style se fait toujours plus monumental. Aloïse atteindra plus tard le maximum avec un dessin de 14 mètres de long qu’elle obtiendra en cousant ensemble un grand nombre de feuilles de papier.
Figure 5: Aloïse Corbaz. Enlève le manteau royal de la sirène (1941-1951). Composition au crayon de couleur sur papier.
© Association Aloïse. Photo: Arnaud Conne, Atelier de numérisation – Ville de Lausanne. Collection de l’Art Brut, Lausanne. no inv. cab-9396.
Mais l’événement qui propulsera Aloïse comme artiste reconnue dans le monde sera sa rencontre avec le peintre français Jean Dubuffet. C’est par l’entremise d’une jeune médecin généraliste, la doctoresse Forel, qui se passionnera pour l’œuvre d’Aloïse que Dubuffet va découvrir ses tableaux. Il lui rendra plusieurs fois visite à la Rosière. L’enthousiasme de Dubuffet sera déterminant, car il va introduire l’œuvre d’Aloïse à Paris et la prendra comme artiste phare dans sa collection de l’art brut. Dès lors Aloïse sera considérée comme une artiste, mais elle perçoit cet intérêt pour ses créations avec une apparence d’indifférence. Aloïse restera active et peindra jusqu’à son décès. Elle meurt à l’asile de la Rosière en 1964. Mais elle a prouvé l’importance de la création dans le processus salvateur, l’art ayant été pour elle une véritable nécessité intérieure et une voie de salutogenèse.
De remarquables études seront consacrées à Aloïse qui deviendra une figure emblématique de l’art brut [36–38]. Des expositions majeures lui sont consacrées depuis sa mort. Ses dessins sont exposés dans le monde entier et sont un des joyaux de la Collection de l’art brut à Lausanne.

Créativité et folie

L’intuition d’un lien entre créativité et troubles mentaux est ancienne. Dès l’Antiquité, il semble établi que le génie va souvent de pair avec les égarements de l’esprit. «Il n’y a pas de génie sans un grain de folie», une phrase que l’on attribue à Aristote. Plus proche de nous, l’encyclopédiste Diderot a écrit que «les grands artistes ont un petit coup de hache dans la tête». Penser différemment des autres est un préalable à la créativité.
De nombreux travaux montrent la grande fréquence de troubles mentaux chez les artistes ou leurs parents. Selon plusieurs études, une fréquence élevée de troubles affectifs est retrouvée dans les familles de scientifiques et d’artistes célèbres tels que des écrivains, des poètes ou des peintres [39–41]. Il apparaît qu’une maladie bipolaire, en particulier un état hypomaniaque, est favorable à la créativité. La poète américaine Emily Dickenson a écrit un grand nombre de poèmes dans ses épisodes d’excitation. Des observations similaires ont été faites pour Robert Schumann, qui composait dans un état hypomaniaque, et Virginia Wolff, qui était particulièrement productive lorsqu’elle éprouvait des phases d’humeur positive. Parmi les peintres qui ont souffert de dépression, Paul Gauguin, Henry Matisse, Jackson Pollok et Georgia O’Keefe sont souvent mentionnés. Nous avons évoqué les troubles mentaux de Vincent van Gogh. Niki de Saint Phalle et Edvard Munch furent hospitalisés en milieu psychiatrique. Camille Claudel, une artiste remarquable, eut un destin particulièrement tragique. Compagne et collaboratrice du sculpteur Auguste Rodin, elle est la sœur du poète, écrivain, diplomate et académicien Paul Claudel. Elle verra sa carrière artistique brisée par un internement psychiatrique à 49 ans, et une mort quasi anonyme.
Une prédisposition aux états psychotiques peut être observée chez les personnes créatives, bien qu’une psychose manifeste soit un facteur limitant la créativité artistique. Il a été rapporté qu’il n’est pas rare que les enfants de créateurs célèbres reçoivent un diagnostic de schizophrénie, comme le fils d’Albert Einstein, bien que cette association puisse être anecdotique. Nancy Andreasen, une neuropsychiatre américaine, affirme qu’il existe de bonnes preuves suggérant une corrélation entre la créativité artistique et les troubles mentaux [42]. Des données biographiques montrant que l’inventivité scientifique et la créativité que l’on retrouve souvent chez les proches des personnes souffrant de schizophrénie appuient cette idée. La pensée psychotique, entraînant la réduction de l’inhibition cognitive ou affective, peut favoriser la créativité. Les études de neuroimagerie suggèrent également que les individus hautement créatifs ont une activité plus intense dans les cortex d’association lorsqu’ils effectuent des tâches qui les mettent au défi de faire des associations [43].
Cependant, le développement de la créativité implique de nombreux autres déterminants tels que l’influence de la famille, des parents, des frères et sœurs, et l’impact de la société, y compris les pairs, les enseignants et les mentors. Si la créativité peut parfois être liée à des troubles mentaux et donc due à des facteurs familiaux psychopathologiques, ce n’est ni une condition préalable ni une condition nécessaire au développement de la créativité. Les maladies mentales sont des conditions dévastatrices qui peuvent engendrer de graves troubles cognitifs, émotionnels et sociaux, et entraîner une grande souffrance. Mais il ne fait aucun doute que les patients atteints de troubles psychiatriques peuvent posséder des capacités exceptionnelles ou inhabituelles. Leur créativité est indissociable de leur condition physique et psychique.
Comme de nouvelles études l’ont montré, il est intéressant de constater qu’il existe une plus grande probabilité d’exercer un métier créatif chez les apparentés de patients avec schizophrénie ou bipolarité [44]. Ces travaux montrent que ce n’est pas tant la maladie mentale elle-même qui est associée à une créativité accrue que le fait d’avoir un parent proche qui en souffre. Ainsi il semble se dégager une prédisposition commune aux troubles mentaux et à la créativité. Des études génétiques confirment ce lien de parenté entre folie et créativité, démontrant les influences directes des facteurs génétiques sur la créativité par opposition au partage d’un environnement [45]. Certains gènes rendent vulnérables aux troubles psychiques, mais ces mêmes gènes permettent aussi d’être créatifs. Ainsi, la créativité, conférée, au moins en partie, par des variantes génétiques, s’accompagne d’un risque accru de troubles psychiatriques conférés par ces mêmes variantes génétiques. Comment ce chevauchement génétique s’inscrit dans des modèles évolutifs de persistance des troubles mentaux reste à déterminer [31].

Conclusion

Nous avons présenté deux visions juxtaposées du monde de l’art, celle des peintres, ces grands artistes qui nous présentent leur vision personnelle du monde, et celle des neuroscientifiques, nous révélant les phénomènes mentaux qui sous-tendent la créativité. Les neurosciences fournissent un cadre pour essayer de comprendre les états mentaux propices à la création ou à la contemplation des d’œuvres d’art, mais ne peuvent pas saisir l’ampleur des états réflexifs et émotionnels associés aux expériences esthétiques, qui mobilisent, au-delà de nos sens perceptifs, une gamme de souvenirs conscients et inconscients à la base de notre identité culturelle. Alors que les scientifiques essaient de tout savoir et veulent tout expliquer, les artistes recréent leur propre monde intérieur et évitent une explication directe de leurs productions. C’est au spectateur de trouver une interprétation.
Le neurophysiologiste anglais Semir Zeki, dans ses entretiens avec le peintre Balthus, discute les bases neurales de la créativité et l’appréciation esthétique de l’art. Balthus s’exprimant sur les aspects contemplatifs de son travail, déclare: «Je ne fais rien consciemment. C’est inconscient. Je sens que je suis toujours guidé par quelque chose; je ne sais pas ce que c’est. Nous peignons parce que nous avons une vision intérieure des choses; nous peignons parce que nous essayons d’atteindre cette vision intérieure» [46]. L’œuvre d’art restera toujours un acte de création, dont l’artiste nous fournit des représentations qui n’ont d’autre limite que son imagination.
Faculté de Médecine, Université de Bâle
Andreas Steck, MD
University of Basel
CH-4031 Basel
andreas.steck[at]unibas.ch
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Acknowledgement
Cet article s’inspire et développe des éléments publiés dans la référence [1] et de deux conférences données en novembre (Collection de l’Art Brut) et décembre 2022 (Collège de Psychiatrie Universitaire Lausannoise).
Conflict of Interest Statement
L'auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts potentiels.
© Association Aloïse. Photo: Arnaud Conne, Atelier de numérisation – Ville de Lausanne. Collection de l’Art Brut, Lausanne. no inv. cab-9396.